Le saumon de l'Atlantigue / l'Aquaculture?

By Chris Marshall
En août dernier, Paul Marriner m'a téléphoné pour m'inviter à
passer une semaine sur la Margaree à la fin d'octobre. J'ai
attendu à la toute dernière minute pour lui donner une réponse
et ai dû laisser passer son offre - la revue allait occuper trop
de mon temps - pour passer la semaine le nez à l'écran et à rêver
aux levés du soleil du cap Breton recouvert d'un léger brouillard
et au saumon qui frétille dans ses eaux limpides.
Lorsque nous nous sommes parlé au début de novembre, je dois
admettre avoir ressenti un certain serrement au cœur lorsque
Paul m'a appris qu'ils n'avaient pas eu beaucoup d'occasions
de prendre de poisson, car celui-ci se faisait rare dans la
rivière. Il se peut que les pluies diluviennes du début du
mois aient forcé le poisson à se réfugier dans les eaux d'amont,
mais l'absence de poisson dans cette rivière qui est, sans aucun
doute, la rivière à saumon la plus populeuse de la Nouvelle-Écosse,
était pour le moins inquiétant.
Le saumon de l'Atlantique est le poisson sportif le plus menacé
de l'hémisphère nord. Le territoire qu'il couvrait s'est rétréci.
Dans les rivières où l'on retrouvait jadis un très grand nombre
de poissons, les remontées ont disparu ou le nombre de poissons
a baissé de beaucoup à cause des effets des pluies acides, des
barrages, de l'exploitation forestière et minière et d'un ensemble
d'autres empiètements de l'homme. La montaison dans l'Est du Canada,
surtout en Nouvelle-Écosse, a été perturbée par des étés secs
successifs ayant réduit le débit des cours d'eau. Les aires
d'alimentation océaniques et les espèces à fourrage desquels
dépend le saumon ont également été perturbés par d'importantes
baisses de température associées au changement climatique.
Des groupes de conservation des deux côtés de l'Atlantique ont
livré un combat héroïque pour stopper - voire même renverser - ce
déclin qui mène à l'extinction. Au cours des années 90, d'énormes
progrès ont été réalisés dans la lutte contre la pêche commerciale,
tant dans les rivières qu'en haute mer. L'aquaculture était perçue
par les pêcheurs commerciaux et sportifs comme une bonne solution
de rechange non dommageable à la pêche commerciale, et le nombre
croissant de saumons dans un certain nombre de rivières semblait
indiquer que cette stratégie portait fruit.
Mais, ironie du sort, l'aquaculture semble aujourd'hui constituer
un problème aussi important que la solution qu'elle semblait offrir
il y a quelques années à peine. En effet, bien qu'elle ait contribué
à réduire les dommages de la pêche commerciale des poissons sauvages,
l'aquaculture menace maintenant l'existence même des poissons qu'elle
devait protéger à l'origine - ce sont les effluents provenant des
bassins océaniques où s'entassent les poissons, les parasites et
les maladies ainsi transmises et la contamination génétique
associée à des espèces exotiques de poissons élevés qui se sont
échappés qui constituent cette menace. Au moment de mettre sous
presse, le premier cas d'anémie infectieuse du saumon (maladie
mortelle retrouvée chez les saumons de l'Atlantique élevés en bassin)
était diagnostiqué chez le saumon sauvage de la rivière Magaguadavic,
au Nouveau-Brunswick.
Il s'agit là d'une nouvelle inquiétante, mais peu surprenante. Que
faire maintenant? En ce moment, les stocks de saumons de l'Atlantique
dans l'océan ont été réduits à 10 % de ce qu'ils étaient il y a à peine
20 ans. Réparer les torts faits par l'homme à l'habitat naturel du
saumon est un travail colossal; contrer les effets du changement
climatique est une tâche presque impossible. Toutefois, s'attaquer
aux effets néfastes de l'aquaculture est une tâche réalisable. Étant
donné que l'aquaculture est une science relativement récente, il est
toujours temps de se battre pour obtenir des contrôles rigoureux et
de faire adopter des méthodes responsables qui préviendront la
transmission des maladies et des parasites et la contamination
génétique des espèces sauvages. Dans une entrevue avec Erik Poole,
dans le présent numéro du The Canadian Fly Fisher, le nouveau ministre
des pêches, Herb Dhaliwal, semblait appuyer de telles mesures - situation
des plus encourageantes.
Le Canada est un pays immense. La plupart de sa population vit loin
de l'océan Atlantique, et la pêche au saumon de l'Atlantique n'est
autre qu'un sujet que l'on traite dans les revues. Il reste toutefois
que la menace de cette espèce nous touche tous - non seulement parce
que les événements dans les Maritimes aujourd'hui peuvent se reproduire
dans les Prairies demain, mais bien parce que la disparition du saumon
de l'Atlantique, élément central à l'histoire et à la tradition de la
pêche à la mouche, nous ferait perdre un peu de nous-même.
Il existe au pays des organisations telles que ASF, TU et BCFFF -
et bien d'autres organisations locales de plus petite taille - qui
défendent la cause du saumon de l'Atlantique et de toutes les autres
espèces de poissons sportifs. Imaginez ce qui se passerait si chaque
pêcheur à la mouche devenait membre d'au moins une de ces organisations
et se joignait à la lutte pour préserver nos poissons et notre sport. ~ Chris Marshall
|